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« Tout semblait tellement ordinaire, le dimanche précédent, lorsque Fabien et Aline étaient allés déjeuner chez Philippe et Éliane ! Un dimanche comme les autres, Éliane avait cuisiné un rôti, Philippe avait râlé parce qu’il y avait trop de pubs à la télé. Cela surprenait toujours Aline, car son beau-père paraissait pourtant incapable d’éteindre le poste. Même pendant le repas, l’écran restait allumé, bien que le son soit baissé. Dès que celui-ci commençait ses grands discours, son épouse regardait la jeune femme avec un sourire en levant les yeux au ciel. Elle avait toujours été amusée par la dynamique du couple. Amusée et envieuse : il était évident qu’ils s’aimaient toujours autant depuis toutes ces années. Même s’ils se chamaillaient de temps en temps, c’était toujours anodin, c’était presque mignon. Leur vie avait été parfaite jusqu’à présent… jusqu’à dimanche, ce fameux dimanche. Éliane avait préparé une tarte aux pommes dont elle seule avait le secret. Après le fromage, elle s’était levée pour remporter les assiettes sales dans la cuisine. Fabien et Aline étaient un peu nerveux, ils avaient décidé d’attendre le dessert pour faire leur grande annonce. Maintenant qu’ils étaient tous les deux établis dans leurs boulots respectifs et que le mariage était passé, ils avaient commencé à visiter des maisons. La recherche avait été un peu laborieuse au début, mais quelques jours plus tôt, ils avaient trouvé la perle rare. Celle qui cochait toutes les cases. Une maison spacieuse, avec un jardin, près des écoles pour leurs futurs enfants, pas trop loin de chez Philippe et Éliane. Le coup de cœur. Ils avaient fait une offre et avaient pris rendez-vous à la banque la semaine suivante pour sécuriser leur prêt. Leur premier achat immobilier. Fabien et Aline avaient l’habitude des annonces. Il y avait eu leur installation ensemble, les CDI, le mariage. Ils avaient déjà leur petite routine : ils attendaient qu’Éliane serve le dessert, là, Fabien levait son verre et tapotait dessus avec sa petite cuillère, comme dans les films. Sa femme levait son verre à son tour et le jeune homme annonçait « Aline et moi avons quelque chose à vous dire ». Ce jour-là, Éliane prenait particulièrement son temps pour apporter le dessert, comme si elle avait senti qu’une annonce arrivait et qu’elle s’amusait à les faire attendre. Fabien essayait de meubler en parlant de tout et de rien avec son père, mais Aline sentait bien qu’il était nerveux, qu’il n’était pas vraiment concentré sur sa conversation. Ils étaient impatients d’annoncer la nouvelle, de montrer les photos de la maison, de parler des travaux qu’ils avaient l’intention d’y faire… Que pouvait bien faire Éliane dans la cuisine ? L’attente semblait interminable, même Philippe s’impatientait. — Tout va bien, chérie ? Pas de réponse. — Éliane ? Toujours rien. Non sans effort, son beau-père s’était levé pour aller voir ce qui se tramait. Un frisson avait parcouru Aline. Quelque chose n’allait pas. Fabien s’était également levé et elle l’avait suivi. Philippe était seul dans la cuisine. La tarte aux pommes était posée sur le comptoir. Le four était encore allumé. La porte-fenêtre était grande ouverte. (...) »